Ambiance
festive d'un autre siècle dès le hall du Théâtre : un clown
blanc harangue la foule, canotiers et cocardes égaient l'uniforme
des ouvreurs. Devant le rideau qui annonce un spectacle
révolutionnaire, un coq considère alternativement les
spectateurs et l'entrave qui retient sa patte à jardin. Coïncidence
ou intelligence de la situation, il lancera un superbe cocorico juste
après l'accord de l'orchestre.
Pierre-André
Weitz régit la mise en scène, les décors, costumes et maquillages
et, armé de son balai, la scène de Pontarcy. On retrouve les
marqueurs de l'esthétique du tandem Py-Weitz : le décor
mobile, le théâtre côté coulisses, la table de maquillage, les
enseignes d'hôtels, les ampoules électriques, la grande roue de
néons, les travestissements et les garçons en slip. Mais point de
masque de mort ici : l'affaire est légère ! Les nonnes
relèvent leur bure, les soldats se dévergondent
en tutu et Sainte Nitouche fait une irrésistible apparition
mi-sulpicienne mi-Moulin-Rouge.
Un
petit moment se passe avant de réaliser que c'est Miss Knife qui se
cache sous le voile et derrière les lunettes épaisses de la
Supérieure, très juste dans une exagération mesurée. Elle
est également désopilante en Corinne, la vieille diva qui n'hésite
pas, dans sa scène de
jalousie, à convoquer
Carmen, Dalila, Manon ou le Duc de Mantoue. Changeant complètement
de registre, son alter ego Olivier Py joue et chante un Loriot
mélancolique et attachant.
Aidés
par le maintien des dialogues originaux, la troupe des
comédiens-chanteurs ou des chanteurs-comédiens, admirablement
dirigés scéniquement et musicalement (Christophe Grapperon) est
remarquable de cohésion, chant et parlé d'égale qualité. La
Denise de Lara
Neumann mène le spectacle
tambour (ou bugle) battant ; à
ses côtés,
Matthieu Lécroart compose
un superbe Célestin /
Floridor, Flannan Obé un
Champlâtreux bien
présent, Eddie Chignara un
Major truculent et la
Tourière de Sandrine
Sutter ne se laisse pas
écraser par l'inénarrable Supérieure. Et,
autre irruption de l'opéra
dans le vaudeville-opérette, le
chœur des soldats, soudain, suspend le temps.
On
sort du spectacle le sourire aux lèvres et la ritournelle dans la
tête.
Capitole,
12 mai 2019