Vincent Boussard et
son décorateur Vincent Lemaire travaillent sur l'épure : les
arches en fond de scène, qui se multiplient à jardin dans un
miroir, sont cloître ou palais. Un rideau de perles moucharabieh
dissimule les courtisans prompts à médire. Cependant la vue au-delà
des arcades présente de curieuses taches noires et les accessoires
ont tendance à sortir de l'épure : chaises fuchsia, paons posés,
en vol, portés, et la valise lumineuse. Mais pourquoi donc Fernand
a-t-il une valise, de surcroît lumineuse ? Que contient-elle ? Sa
vie temporelle, sa vie spirituelle ? Son feu intérieur ? Sa lampe
torche ?
Le hakama et le
sweat-shirt à capuche font la bure et le moine tandis que le
courtisan arbore longue tunique, perfecto et demi-fraise. Les dames
sont des mannequins de couture noirs sur lesquels sont drapés,
jetés, empilés ou fagotés taffetas et plis savants, robes
inachevées sculptées par les lumières (Guido Levi).
Étranges
mouvements des ensembles : ballet des moines au couvent de
Saint-Jacques, qui passent alternativement du fond de scène au bord
de fosse ; les jeunes filles de l'Île de Léon s'assoient et se
lèvent ; la cour piétine avant de trouver le bon pied pour quitter
en cortège la salle du palais de l'Alcazar. En revanche le billet
intercepté circule de main en main comme le ragot qu'on propage,
avec dédain et gourmandise.
Antonello Allemandi a
soin d'équilibrer orchestre et plateau, sauf dans la scène de
l'anathème, où le chaos devient cacophonie des voix solistes
poussées à l'extrême, malaise exacerbé par ce baiser forcé du
roi à sa favorite, ce combat au sol, presque un viol.
Giovanni Furlanetto
n'impose qu'une autorité discrète en Balthazar, plus à son aise en
père protecteur qu'en porteur de la terrible bulle papale. La Léonor
de Kate Aldrich donne les beaux graves qui siéent aux femmes
sulfureuses, mais aussi quelques aigus plus métalliques
qu'angéliques. Le roi de Ludovic Tézier est royal, sauf lorsqu'il
doit passer au-dessus de la cour et de l'orchestre offusqués. La
révélation de la production est Yijie Shi qui presque au pied levé
troque les habits modestes de Don Gaspar pour la valise de Fernand.
Dès son air d'entrée À
l'autel que saint Jacques protège, l'émotion, intense, submerge
: diction française parfaite, merveilleux phrasés, présence
sensible, et nul besoin apparent du souffleur qui doit s'ennuyer dans
son trou.
Au couvent de
Saint-Jacques, le faux novice Léonor, les pieds meurtris, a quitté
les robes blanches pour le rouge et le noir. Christian Lacroix
l'engonce dans une camisole en forme de cercueil, la tête
entièrement enfermée dans une voilette cage. Elle s'en extirpera
adroitement pour quitter la scène par l'escalier du fond, laissant
un Fernand désespéré avec un texte devenu incohérent (Rouvre
les yeux, c'est moi...) et sa valise désormais rangée – et
éteinte – pour toujours.
Photos © Patrice Nin
Théâtre
du Capitole, 9 février 2014.
une mise en scène tellement épurée qu'elle perd tout sens et devient incompréhensible ... dommage, la distribution était si exceptionnelle. Dommage aussi que le chef fasse trop de bruit : Tézier en perdait ses couleurs !
RépondreSupprimer