D'une
page du grand livre le vieux Faust se fait une couverture. « Dieu
! » Un spectateur retardataire s'installe dans la loge à cour.
On n'est pas discret dans l'au-delà du quatrième mur.
Le
décor hésite entre réalisme et abstraction hermétique. Pour jouer
à cache-cache avec le diable, on ouvre et ferme scrupuleusement les
portes d'une sorte de véranda cage, ni jardin ni demeure chaste et
pure, pour finalement passer au travers des vitres. La coulisse est
manifestement un puits d'eau bénite. Et Marguerite est subitement
victime d'un syndrome de tunnélisation attentionnelle sur le bouquet
(de marguerites) alors que le coffret de bijoux est posé bien en
évidence juste à côté. En fond de scène, comme au fond de la
cassette, un miroir : le chef et quelques spectateurs y font leurs
coquets.
À
l'église, les esprits du mal n'accourent pas ; l'enfer est vide.
Mais l'effroi est bien là : l'organiste en soutane n'est autre que
Méphisto, cependant que des bures inquiétantes sortent de l'ombre.
Un
éventail rouge et tout s'arrête. Jusqu'à la caricature. Si le veau
d'or est toujours debout, les buveurs sont toujours à genoux. En
grand maître de tessen-jutsu, le diable domine un duel
symboliquement immobile, à l'issue duquel Valentin, étrangement, se
tiendra le flanc. Étrange
aussi cette machine de torture à laquelle est attachée Marguerite,
peu cohérente avec le livret – Viens ! Fuyons ! - et qui
semble n'avoir pour but que de l'empêcher d'approcher le petit
cercueil placé en avant-scène.
Claus
Peter Flor salue l'orchestre, tire son chapeau à un soliste, respire
avec la musique. Les artistes du chœur, toujours parfaits, sont
hélas souvent réduits à des interventions face public sans
véritable caractérisation ; certes la valse valse, mais très loin
de la subversion.
Pour
cette dernière représentation, John Chest est manifestement en
méforme et ses efforts vocaux et scéniques pour donner voix et
corps à un Valentin cependant touchant sont perceptibles. Maite
Beaumont incarne justement un Siébel sensible, pauvre garçon
estropié. La Dame Marthe de Constance Heller, voisine un peu jeune
pour être un peu mûre, ne demanderait, si la mise en scène le lui
permettait, qu'à s'amuser plus avec le diable.
Le
Faust de Teodor Ilincai est absent à lui-même, atone, transparent.
Voix plate, le corps emprunté, il ne semble ni heureux de sa
nouvelle jeunesse, ni effrayé par les âmes chauves des trépassés,
ni tenté par les armures de Walkyries dénudées des reines et des
courtisanes. Toute autre est sa Marguerite. Articulation soignée,
intelligence du texte, Anita Hartig, pourtant annoncée souffrante,
passe avec aisance de la timidité de la jeune fille à la folie de
la condamnée. On pourra cependant reprocher une tendance à allier
aigus et forte.
Il
conduit le bal, saute, virevolte, trébuche sur une marche, arrête
le temps, ricane, se démène comme un (beau) diable... Alex Esposito
chante et joue un Méphistophélès plus Don Juan que Satan, plus
rouge que noir, dandy jeune et magnifique.
Le
finale se voudrait abstrait, symbolique – où Méphisto entraîne
Faust et comment meurt Marguerite sont des questions sans objet.
Alors pourquoi diable cette apothéose avec foule bien costumée et
bien rangée faisant irruption dans ce qui fait office de prison ?
Les voies de Pâques sont décidément impénétrables.
Photos
© David Herrero
Théâtre
du Capitole, 3 juillet 2016
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