Ah
! tu crois qu’un ré dièze et un mi bémol c’est la même chose,
ignare que tu es, oreilles d’âne que tu mérites !
Sous
la plume de Graciane Finzi (musique) et Gilbert Levy (livret), la
nouvelle de Jules Verne [1] devient une diabolique leçon de solfège
que donne un chœur juvénile [2], dans un éclatant tableau
chromatique.
L'orgue
s'est tu, la maîtrise ne chante plus, depuis que le vieil organiste
Eglisak est devenu sourd. Mais une nuit, une sorte de Méphistophélès
et son sbire souffleur s'introduisent dans l'église - Est-ce
que le diable sait jouer de l’orgue ?
Effarane,
ce personnage étrange, effroyable,
chercheur fou, musicien de l'absolu, entreprend de réparer l'orgue
et de le doter du registre des voix enfantines.
Audition impitoyable des seize enfants de la maîtrise, les
enfants-notes au comma près. Au diable le clavier tempéré !
« Bien, les enfants ! dit-il. J’arriverai à faire de vous un
clavier vivant ! »
Une
autre histoire d'ogre derrière le buffet d'orgue ?
Tous
les seize, nous sommes enfermés dans les tuyaux du grand jeu, chacun
séparément, mais voisins les uns des autres […] N’ayant
pu ajuster son appareil, c’est avec les enfants de la maîtrise
qu’il a composé le registre des voix enfantines, et quand le
souffle nous arrivera par la bouche des tuyaux, chacun donnera sa
note ! Vision
cauchemardesque.
Ce
n'était qu'un cauchemar. Les jeux d'orgue ne sont pas des jeux
d'enfants.
N’ayant
pu ajuster son appareil, ces flûtes
de cristal qui devaient produire des sons délicieux,
Effarane avait disparu, pour toujours.
Christophe Mangou (crédit photo : Patrice Nin) |
L'écriture cinématographique de Graciane Finzi, magistralement interprétée par les musiciens de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse, construit des images successivement tendres, violentes, angoissantes. On pourra juste regretter les toutes dernières mesures (un peu trop) à l'eau de rose. Marc Scoffoni (baryton et récitant) et les deux jeunes solistes – qui ne sont déjà plus des enfants – offrent des intertitres remarquables dans la diction et les émotions. Christophe Mangou peint les sons des jeunes choristes – parfaitement préparés - dans une gestuelle précise, spectaculaire, magnifique. Quel maître de solfège, et quelle habileté il mettait à nous faire vocaliser !
Jamais un musicien n'osera mettre pareil sujet en musique ! Monsieur Verne, il ne faut jamais dire « jamais »...
[1]
Jules Verne - Monsieur Ré-Dièze et Mademoiselle Mi-Bémol - 1893
[2]
Enfants d'écoles primaires et de collèges de Toulouse, préparés
par leurs professeurs ; chœur d'enfants La Lauzeta, chœur de jeunes
Les Eclats, préparés par François Terrieux.
Halle aux Grains, Toulouse, 9 (générale) et 10 juin 2012
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