lundi 6 avril 2015

Amour, Amor : comment danser les mots ?


Il fallait connaître ses Liaisons sur le bout de ses lettres pour apprécier pleinement la proposition de Davide Bombana. Sinon comment identifier la jeune Cécile (Caroline Betancourt) portée par sa mère (Solène Monnereau) comme un bébé contre son demi-panier et qui réussit l'exploit de paraître bien plus âgée que sa fille ? l'amant passager (Jérémy Leydier), le naïf Danceny (Demian Vargas), la noire Merteuil (Julie Charlet) – seule femme sans perruque –, Valmont (Takafumi Watanabe) le manipulateur manipulé butineur en livrée de bourdon ? la présidente de Tourvel (Juliette Thélin) étrangement vêtue de rouge, contresens à sa pruderie ?




La chorégraphie est expressive, pressée, très athlétique, et frôle le réalisme dans le duel entre Danceny et Valmont : défi lancé comme une gifle et bottes d'épées que les protagonistes n'ont pas. Sensualité des scènes d'amour sur un lit dangereusement incliné, violence de la vengeance et de la folie scandée par les pointes et les pieds de chaise, perversion des manipulations. Quelques lettres, judicieusement placées, sont écrites, lues, chiffonnées, jetées. Contrastant avec les chandeliers, la croix du couvent et les perruques poudrées, les projections abstraites n'apportent cependant rien au propos.

Si Rameau est fort bienvenu, l'amplification à outrance de sa musique l'est beaucoup moins. Le clavecin y perd sa délicatesse, les ensembles leurs nuances. Les Forêts paisibles des Sauvages ont raison de la Merteuil, qui finit écrasée par la petite vérole et le plafond.








L'amour sorcier, que l'on aurait plutôt vu en première partie, est très loin de l'argument : Thierry Malandain le rend plus esthétique que narratif. On ne saura pas qui est le spectre, qui est Lucia, mais on se laisse séduire par les ensembles quasi-béjartiens, par le bruissement des pétales de cendre, la danse de feu dans la lumière bleutée, la discrète couleur locale évoquée par quelques déhanchements. Candela (Lauren Kennedy) et Carmelo (Shizen Kazama), presque nus en sous-vêtements chair, donnent à leurs duos l'énergie des élus du Sacre.




Photos © David Herrero

Casino-Théâtre Barrière, 5 avril 2015 

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