Il fallait connaître
ses Liaisons sur le bout de ses lettres pour apprécier
pleinement la proposition de Davide Bombana. Sinon comment identifier
la jeune Cécile (Caroline Betancourt) portée par sa mère (Solène
Monnereau) comme un bébé contre son demi-panier et qui réussit
l'exploit de paraître bien plus âgée que sa fille ? l'amant
passager (Jérémy Leydier), le naïf Danceny (Demian Vargas), la
noire Merteuil (Julie Charlet) – seule femme sans perruque –,
Valmont (Takafumi Watanabe) le manipulateur manipulé butineur en
livrée de bourdon ? la présidente de Tourvel (Juliette Thélin)
étrangement vêtue de rouge, contresens à sa pruderie ?
La chorégraphie est
expressive, pressée, très athlétique, et frôle le réalisme dans
le duel entre Danceny et Valmont : défi lancé comme une gifle et
bottes d'épées que les protagonistes n'ont pas. Sensualité des
scènes d'amour sur un lit dangereusement incliné, violence
de la vengeance et de la folie scandée par les pointes et les pieds
de chaise, perversion des manipulations. Quelques lettres,
judicieusement placées, sont écrites, lues, chiffonnées, jetées.
Contrastant avec les chandeliers, la croix du couvent et les
perruques poudrées, les projections abstraites n'apportent cependant
rien au propos.
Si Rameau est fort
bienvenu, l'amplification à outrance de sa musique l'est beaucoup
moins. Le clavecin y perd sa délicatesse, les ensembles leurs
nuances. Les Forêts paisibles des Sauvages ont raison
de la Merteuil, qui finit écrasée par la petite vérole et le
plafond.
L'amour sorcier,
que l'on aurait plutôt vu en première partie, est très loin de
l'argument : Thierry Malandain le rend plus esthétique que narratif.
On ne saura pas qui est le spectre, qui est Lucia, mais on se laisse
séduire par les ensembles quasi-béjartiens, par le bruissement des
pétales de cendre, la danse de feu dans la lumière bleutée, la
discrète couleur locale évoquée par quelques déhanchements.
Candela (Lauren Kennedy) et Carmelo (Shizen Kazama), presque nus en
sous-vêtements chair, donnent à leurs duos l'énergie des élus du
Sacre.
Photos
© David Herrero
Casino-Théâtre
Barrière, 5 avril 2015
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