Vesti
la giubba,
e
la faccia infarina.
La
gente paga, e rider vuole qua. [1]
Merde
! Voilà une entrée en matière, si l'on ose dire, qui donne le
ton. Les tons. Gros mot mais aussi porte-bonheur de l'artiste entrant
en scène. Je prends.
La
Farce de Frère Guillebert n'est qu'un prétexte, un contexte.
Francis Azéma fait son théâtre en parlant du théâtre. Sur le
tréteau étroit, le XVIIe siècle s'entrelace au XXIe
siècle et le joueur Sans-Soucis dit soucis d'hier et d'aujourd'hui,
regrets, jalousies, difficultés et rancœurs. Sous la farine qui
fait masque, sous la veste qui fait autre, on moque et on pique comme
le faisait un certain Lomière, ou Roguière peut-être, avec faux
dévots et grands seigneurs méchants hommes. Car il faut plaire aux
bailleurs de fonds ; se mettre à portée d'un public qui ne comprend
plus rien ; expliquer le latin à ceux qui ne l'auront plus appris.
Et puis se former à être joueur, peut-être, même ! avec un
professeur. Auto-dérision...
Et
Paris ! Y être ou ne pas y être. Ce joueur qui va et qui vient –
un intermittent ! - et choisit de quitter ses camarades provinciaux
pour la troupe qui joue devant le roi, ne serait ce pas le jeune
élève devenu l'an passé pensionnaire de la Comédie-Française ?
Fais ce que tu veux, tu es libre. Fierté du prof mêlée d'un
pincement au cœur.
Là-bas,
à la capitale, il y a des salles riches, des décors, des machines.
De celles qui font apparaître et disparaître la lune et ses
sélénites blancs. Mais cette lune et ces petits bonshommes qui en
tombent, et pas métaphoriquement ! sont ceux du décorateur, pas
ceux du spectateur... Pourquoi, pour qui donne-t-on le théâtre ?
Les
gens ont payé, il faut les faire rire. Ce n'est pas tant la Farce
elle-même, farce bien grasse d'un délicieux sandwich, qui fait
rire, que la façon dont le trio des joueurs s'en réjouit. Les
paillasses enfarinés en rajoutent, oublient le personnage pour
commenter texte et jeu, improvisent. Le moine paillard de Francis
Azéma, le vieillard de Denis Rey, la femme insatisfaite de Corinne
Mariotto et la magistrale commère masquée donnent une leçon de
théâtre. Théâtre dans le théâtre, public dans le public, celui
de la salle devient par une simple rotation du tréteau celui de
cette foire, attiré par la harangue.
Mais
à la fin il faut toujours enlever les masques, ranger les costumes,
plier le rideau. Revenir à la vraie vie, celle dont, peut-être
parle le théâtre. D'ailleurs il pleut.
[1]
R. Leoncavallo – Pagliacci, acte 1
Photos
© Justine Ducat, théâtre du Pavé
Théâtre
du Pavé, 23 janvier 2016
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire