Il
faut arriver tôt à un concert à placement libre. Pour observer ces
gens dont le regard convoite les places « invités » puis cherche désespérément une bonne place qui n'existe plus. Et
qui trébuchent immanquablement sur le passage de plancher que la
régie a bricolé : il y a du Tati dans ces moments
d'avant-spectacle.
La
voûte étoilée de la salle capitulaire du cloître des Jacobins,
dans la douceur de la brise estivale, est écrin délicat pour le
minois et la voix de Karine Deshayes.
C'est
une soirée de communion, de complicité, de virtuosité ; de clins
d'œil et sourires adressés à cette dame du premier rang, attentive
et émue.
©
Aymeric Giraudel
|
Dans
mezzo-soprano, il y a soprano, il y a mezzo. Karine Deshayes offre
avec brio toute l'étendue sa palette, dans le badin Trovatore,
le Risentimento blessé et vengeur, la délicate Légende
de Marguerite, la valse de Nizza, la difficile Canzonetta
spagnuola. Elle triomphe dans ce véritable opéra miniature
qu'est la cantate Giovanna d'Arco où la jeune bergère fait
des adieux poignants à sa famille, pour se tourner vers la patrie,
la victoire. Elle est enfin tour à tour de touchantes Isabella,
Semiramide, Elena, et une très espiègle Rosine.
©
Eric Manas
|
L'accompagnateur
et complice attentif est Dominique Plancade, qui propose en deux
brillants solos les Fantaisies (Liszt, Ginzburg) sur des
motifs de Rossini. La version ludique de Grigory Ginzburg, brodée
sur Largo al factotum,
n'est pas sans évoquer les images de l'hilarant
Figaro de Tex Avery.
Pour
souhaiter à l'assemblée conquise une douce nuit « sans
vocalises », Karine Deshayes offre en bis un
Lascia ch'io pianga
émouvant, Rossini n'en voudra pas à Haendel.
Le
public sous le charme se lève en haie d'honneur pour les deux
artistes qui s'éloignent, émus à leur tour, dans la nuit du cloître.
Festival Toulouse d'été, Cloître des Jacobins, 20 juillet 2012
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