On
ne se perd pas dans la bastide de Villefranche de Rouergue : on
déambule sur son damier, croisant des silhouettes que la
perpendicularité des ruelles fera croiser de nouveau, surgies de
l'angle mort de l'angle droit. Un labyrinthe sans impasses, un
labyrinthe de découvertes.
De
la Chapelle des Pénitents Noirs à l'Eglise des Augustins, de la
Collégiale Notre-Dame à la Chartreuse Saint-Sauveur, de nefs en
sacristies, de cloîtres en retables, d'anges lambrissés en stalles
sculptées, une quinzaine de stagiaires soprani et alti amateurs ont
suivi un parcours initiatique ponctué des ornements baroques et
hémioles facétieuses de la musique vénitienne.
Le
voyage, proposé par Rolandas Muleïka en partenariat avec
l'association Demandez le programme, s'achevait par la présentation
en concert d'un spicilège associant tubes et raretés [1], chœur
des stagiaires et musiciens professionnels de l'ensemble Antiphona.
Les
extraits des prologue et premier acte de l'Orfeo
de Claudio Monteverdi sont enchantés par La Musique et l'Eurydice émouvantes de Rany Boechat, les Bergers
joyeux et aériens d'Arnaud Raffarin, et l'Orphée
juvénile de Clément Lanfranchi, dont les soupirs dans le médium
feraient se retourner toutes les autres Eurydice – c'est
bien connu, Orphée charmait de son chant les bêtes sauvages et
jusqu'à l'inanimé
[2]. Le Se il cor guerriero
du Tito impressionnant de Raphaël Marbaud enflamme les cœurs.
Rolandas Muleïka porte ses chanteurs et instrumentistes avec amour
et humour et, d'une main de fer et l'autre de velours, propose une
mise en valeur subtile de chaque interprète, même du plus novice.
Les partitions adaptées par ses soins à une formation musicale
réduite soulignent les violons de Laura Prieu et Fanny Veille, et la
basse continue de Géraldine Bruley (viole de gambe), Frédéric
Bernard (théorbe) et Saori Sato (orgue). L'importance du texte et le
travail ciselé de diction et déclamation sont particulièrement mis
en relief à chaque intervention du chœur. Le Et misericordia
eius du Magnificat de Vivaldi, repris en bis, arrache des
larmes.
Il
resterait à amener les centaines de convives de la place Saint-Jean
de Villefranche, qui apprécient aligot et magrets, à venir
massivement en la Collégiale se délecter de madrigaux et motets.
Au
second concert dans la petite église Saint-Jean-Baptiste de Caylus,
où le Christ de Zadkine déchaîna bien des passions, le pèlerin
était encore plus rare mais la ferveur plus grande. Dans une
acoustique intime, les soupirs d'Orfeo, la fougue de Tito, la
communion des chœurs et le sourire du chef firent de la soirée un
moment d'exception. Le voyage touchait à sa fin et l'émotion de chacun
était palpable.
Un
bis de l'Ave maris stella fut dédié à l'affabilité et à
la voix de contrebasse de monsieur le curé.
Une
magnifique flânerie dans les dédales de la connaissance et des
sensations.
(photo : Catherine Tessier) |
[1]
Programme :
Claudio
Monteverdi
Orfeo
: Prologo, Atto I (extraits)
Ave
maris stella – Vespro della Beata Vergine
Giovanni
Legrenzi
Ave
Regina Cœlorum, motet
Antonio
Lotti
Salve
Regina, motet
Antonio
Vivaldi
Se
il cor guerriero – air de Tito, Tito Manlio
[2]
Vincent Delecroix – Chanter, Reprendre la parole, Flammarion
2012
Villefranche de Rouergue, 9 août 2012
Caylus, 10 août 2012
Villefranche de Rouergue, 9 août 2012
Caylus, 10 août 2012
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