C'est
de l'acier rouillé, un vaisseau solide miné par la fragilité,
décor à fond de cale, prémonitoire. Rienzi commence dans la
violence et le cynisme : un rapt alla Rigoletto, Irène
ficelée sur un diable, la religion à jupe rouge moquée.
Le cheval de Rienzi avant son entrée en scène (photo Noémie Tessier) |
Boccanegra,
Polieukt, Rienzi, Jorge Lavelli a ses leitmotive :
cheveux courts pour hommes et femmes, faces blanches (même pour le
cheval), costumes noirs, blancs et quelques rouges, espace délimité
par la lumière, foules géométriques, trappes à apparitions.
L'immobilité dynamique des tableaux.
Les
contrastes. Un avec ou contre tous, espace clos ou ouvert, eau ou
feu. La frontière est ténue entre l'action et le théâtre
lui-même, montré tel qu'il est, entrailles noires, laides,
l'envers du décor.
Les
quelques étrangetés – Rienzi est amené sur un chariot (à
bagages ?) par deux régisseurs avec casque et micro ; quelques
figurants passent en se dissimulant sous une toile – ne nuisent pas
à la force esthétique et symbolique des images : la guerre et son
flot ininterrompu de housses mortuaires, la conspiration fomentée
par masques et chapeaux aux mouvements saccadés d'oiseaux de nuit,
les voûtes de l'église du Latran en hologramme sur un rideau de
pluie, les moines inquiétants perchés sur des stalles verticales
pour une malédiction plus onirique que violente, l'incendie
final – gîte vertigineuse du vaisseau d'acier dont les surfaces
quittent la verticalité.
Ce
Rienzi n'a rien d'un dictateur. Lavelli en fait un idéaliste, qui
désirerait ardemment que la clémence de Titus fût possible une
seconde fois. Mais on ne mêle pas sans conséquences intérêts
privés et publics. La stature imposante de Torsten Kerl contraste
avec son charisme, la subtilité de son chant belcantiste, son jeu
nuancé et engagé (magnifique image de la mort simulée du tribun
qui se plie comme une marionnette de chiffons). La prière, chantée
en adresse à ce Christ porté en manteau protecteur, est un
moment d'intense émotion.
Adriano
est un parangon de romantisme, torturé, instable. Daniela Sindram
porte le travestissement avec aplomb et seul(e), hagard(e),
prisonnier(e) de ses contradictions comme des murs d'acier, livre ses
états d'âme dans un air à l'italienne superbement interprété.
En
revanche, l'Irène de Marika Schönberg, avec ses aigus trop criés,
disgracieux, ne s'accorde que peu avec ses partenaires.
Pinchas
Steinberg construit un bel équilibre entre la fosse et le plateau,
et cisèle au millimètre les interventions des chœurs –
magnifiques effets de distance des ensembles chantant depuis les
coulisses ou les dessous.
La prière (photo Tommaso Le Pera) |
Longue
ovation finale pour cette interprétation audacieuse, énergique,
d'un opéra « maudit », qui ne semble hélas pas destinée
à être reprise dans d'autres maisons. La captation vidéo sera
disponible courant 2013.
Théâtre du Capitole, 7 octobre 2012
Théâtre du Capitole, 7 octobre 2012
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