mardi 19 novembre 2013

Tosca : et Roberto brilla

La mise en scène de Luc Bondy avait fait scandale en 2009. Quoi ? Scarpia roule un patin à la statue de la vierge en plein Te Deum ? Des filles de petite vertu lui font des gâteries alors qu'il est affalé sur son canapé rouge près de la salle de torture ? Mais le puritanisme est passé par là. Plus de baiser à la Madone et les filles légères rient bêtement. Un Scarpia presque comme il faut. Dommage. Seuls le sacristain et son seau d'eau qui sert à la fois à remplir le bénitier et à laver les pinceaux, et la Magdalena e troppo bella qui a toujours le sein nu, conservent la petite touche transgressive.
En revanche, la vaine déambulation du peloton d'exécution répétant (?) sa mise en place est avantageusement abandonnée au profit d'une partie d'échecs sous haute tension émotionnelle ; face à son geôlier qui lui impose cet affrontement cynique, le chevalier condamné sort ses cavaliers d'abord, puis renverse le plateau : il n'y a pas d'échec à Scapia. D'ailleurs il froissera le sauf-conduit que lui confie triomphalement Tosca.


Celle-ci a toujours des velléités de sauter par la fenêtre après son bacio, mais se ravise et reprend ses esprits en s'éventant... avec le ventaglio iagesque de l'Attavanti. Mais quand elle se jette vraiment dans le vide pour son rendez-vous avec Scarpia devant Dieu, c'est une doublure qui apparaît en haut de la tour du Castel Sant' Angelo et ça se voit : une sorte de poupée hirsute qui ne ressemble absolument pas à l'originale. En 2009, personne ne se jetait dans le vide et le noir se faisait sur... rien. Décidément, l'effet n'est pas au point.

Le chef Riccardo Frizza impose un tempo lent, parfois traînant, qui nuit à la tension dramatique des confrontations de l'acte II. Chose courante et regrettable, il interrompt la composition continue de Puccini [1] pour laisser place aux applaudissements après les trois grands airs.

Très bel Angelotti de Richard Bernstein, contract singer au MET, qui fut Leporello en 2005 au Capitole. Malgré son bandeau sur l'œil et sa mine patibulaire, le Spoletta de Eduardo Valdes est effacé et n'inquiète pas une seconde. Le petit pâtre (Seth Ewing-Crystal), qui n'est hélas pas sur scène, chante juste mais sans diction ni beauté, conséquence d'une amplification cachée ? On regrette la voix d'ange et l'appareil dentaire du gamin du film de Benoît Jacquot.


Le Scarpia de George Gagnidze roule des yeux pervers mais nuance l'abjection. Patricia Racette, excellente actrice, est particulière touchante dans un beau Vissi d'arte, mais donne des aigus métalliques quelque peu désagréables. Quant à Roberto Alagna, il domine le plateau avec un chant fluide, sans efforts, de magnifiques et longs aigus, une aisance en scène confondante. Ses Vittoria! sont poignants, E lucevan le stelle, dramatiquement amené par la partie d'échecs et ce visage où passent subtilement les émotions des derniers instants, magnifique et émouvant. Un Cavaradossi au firmament.


[1] Sylvain Fort – Puccini, Actes Sud Classica 2010

Photos © Marty Sohl Metropolitan Opera

Metropolitan Opera Live in HD, 9 novembre 2013

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