La
mise en scène de Luc Bondy avait fait scandale en 2009. Quoi ?
Scarpia roule un patin à la statue de la vierge en plein Te
Deum ? Des filles de
petite vertu lui font des gâteries alors qu'il est affalé sur son
canapé rouge près de la salle de torture ? Mais le puritanisme est
passé par là. Plus de baiser à la Madone et les filles légères
rient bêtement. Un Scarpia presque comme il faut. Dommage. Seuls le
sacristain et son seau d'eau qui sert à la fois à remplir le
bénitier et à laver les pinceaux, et la Magdalena e
troppo bella qui a
toujours le sein nu, conservent la petite touche transgressive.
En
revanche, la vaine déambulation du peloton d'exécution répétant
(?) sa mise en place est avantageusement abandonnée au profit d'une
partie d'échecs sous haute tension émotionnelle ; face à son
geôlier qui lui impose cet affrontement cynique, le chevalier
condamné sort ses cavaliers d'abord, puis renverse le plateau : il
n'y a pas d'échec à Scapia. D'ailleurs il froissera le sauf-conduit
que lui confie triomphalement Tosca.
Celle-ci
a toujours des velléités de sauter par la fenêtre après son
bacio, mais se ravise et reprend ses esprits en s'éventant...
avec le ventaglio iagesque de l'Attavanti. Mais quand elle se
jette vraiment dans le vide pour son rendez-vous avec Scarpia devant
Dieu, c'est une doublure qui apparaît en haut de la tour du Castel
Sant' Angelo et ça se voit : une sorte de poupée hirsute qui ne
ressemble absolument pas à l'originale. En 2009, personne ne se
jetait dans le vide et le noir se faisait sur... rien. Décidément,
l'effet n'est pas au point.
Le
chef Riccardo Frizza impose un tempo lent, parfois traînant, qui
nuit à la tension dramatique des confrontations de l'acte II. Chose
courante et regrettable, il interrompt la
composition continue de Puccini
[1] pour laisser place aux applaudissements après les trois grands
airs.
Très
bel Angelotti de Richard Bernstein, contract
singer au MET, qui fut
Leporello en 2005 au Capitole. Malgré son bandeau sur l'œil et sa
mine patibulaire, le Spoletta de Eduardo Valdes est effacé et
n'inquiète pas une seconde. Le petit pâtre (Seth Ewing-Crystal),
qui n'est hélas pas sur scène, chante juste mais sans diction ni
beauté, conséquence d'une amplification cachée ? On regrette la
voix d'ange et l'appareil dentaire du gamin du film de Benoît
Jacquot.
Le
Scarpia de George Gagnidze roule des yeux pervers mais nuance
l'abjection. Patricia Racette, excellente actrice, est particulière
touchante dans un beau Vissi
d'arte, mais donne des
aigus métalliques quelque peu désagréables. Quant à Roberto
Alagna, il domine le plateau avec un chant fluide, sans efforts, de
magnifiques et longs aigus, une aisance en scène confondante. Ses
Vittoria!
sont poignants, E lucevan le stelle,
dramatiquement amené par la partie d'échecs et ce visage où
passent subtilement les émotions des derniers instants, magnifique
et émouvant. Un Cavaradossi au firmament.
[1]
Sylvain Fort – Puccini, Actes Sud Classica 2010
Photos
© Marty Sohl Metropolitan Opera
Metropolitan
Opera Live in HD, 9 novembre 2013
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