Ritratto
del Doge Francesco Foscari dalla Porta della Carta. Museo dell'Opera
del Palazzo Ducale, Venezia
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Francesco
Foscari, dans la pénombre, considère son imposante effigie, sa
propre tête, tête aux yeux morts, vanité. Car l'homme de pouvoir
doit tuer l'homme sensible. Symbole facile mais efficace, le père se
terre de l'autre côté de la statue. Sombre cabinet intime où
quelque chandelle n'aurait pas nui. Mais il n'y a point de lumière
dans les lois iniques. Devenant gueule où bouche et nez sont
amputés, greffée de barreaux sinistres, la tête écrasante vomit
implacablement les condamnés, fussent-ils un fils. Venise est
joyeuse, il fait beau et bleu sur les gondoles des bouffons, mais la
liesse est fragile comme l'équilibre du fildefériste. La tête du
doge, monumentale et décrépite, sombrera dans l'aqua alta.
C'est
par son admirable baryton que Sebastian Catana émeut en puissant qui
doit abdiquer son amour paternel, l'acteur restant trop souvent
impassible ou emprunté pour susciter la compassion. Point d'amplesso
père-fils d'ailleurs, l'étreinte sera seulement dite, sans un
regard réciproque. Loqueteux, hirsute, Christ au chemin de croix,
Aquiles Machado peine à faire croire qu'il est assailli par mille
e mille spettri, qu'il se désespère de son injuste exil, trop
occupé à lancer de fréquents coups d'œil vers le chef. Cependant
la voix est belle, bien nuancée, malgré un léger vibrato dans des
aigus parfois forcés. Quelque peu encombrée par sa haute stature
qui domine ses partenaires, la Lucrezia de Tamara Wilson fait
craindre une Castafiore vociférante dans ses imprécations
vengeresses du 1er acte. Mais quand le volume n'est pas
forcé, c'est le beau chant qui triomphe sur tout l'ambitus. Semblant
en retrait vocalement – car lui ne hurle pas – Leonardo Neiva,
beau, altier et condescendant, porte haut le cynisme de Loredano. Le
personnage sera salué par des huées.
Les
yeux à hauteur du plateau, Gianluigi Gelmetti est très attentif à ses chanteurs, qui ne sont jamais couverts par
l'orchestre. Les chœurs sont particulièrement émouvants, et le
Silenzio, mistero des Dix, rouges et noirs dans la pénombre,
crée d'emblée une atmosphère étrange, effrayante, magnifique.
C'était
la dernière. Aquiles Machado, visiblement ému, a remercié la scène
; et l'aqua alta s'est déversée dans le caniveau derrière
le théâtre. Ainsi finissent les grands.
Photos
© Patrice Nin
Théâtre
du Capitole, 25 mai 2014
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