La
maison de bois est le prolongement du
bois du Vieux-Colombier ; ses colombages une cage où chacun est
enfermé, dedans ou dehors. Éric
Ruf rend palpable la campagne profonde, l'eau du lavoir. La nature
doit être là, dans toute sa contingence... On doit se sentir
environné d'une verdure toute proche, deviner les arbres, presque la
boue sur le sol [1]. Les effluves rustiques
de la soupe font saliver les premiers rangs. Ici les hauts-de-forme
côtoient mal les bonnets, la frêle jeune fille et le grand rustre
font un drôle d'assemblage. En
hommage à son professeur Jean Dautremay, Hervé Pierre propose un
Dandin
sombre, sans espoir. Morgué voilà
une sotte nuit, d'être si noire que cela.
Il ne fait point jour la nuit,
et noire est vraiment la nuit.
Jérôme
Pouly, grand corps animal tout en barbe, sueur et sang, est seul.
Seul dedans, seul dehors, seul face aux autres. Lucide, résigné,
émouvant. Le meilleur parti qu'on puisse prendre, c'est de
s'aller jeter dans l'eau la tête la première.
Autour
de lui, on intrigue, on ment, on manipule, on danse, avec la fougue
et la liberté de la jeunesse ou la respectabilité trompeuse de la
vieille bourgeoisie. Claire de la Rüe du Can n'a d'angélique que
son nom et mène son monde par le bout du nez, diaboliquement
résolue, réfléchie, adulte.
Et
on est très ému, après tant d'années, de revoir Simon Eine.
Vieille queue de pie sur le dos voûté, bonnet sur le crâne chauve.
Le regard a vécu, le regard est alerte. Dans sa très petite loge de
serviteur en avant-scène à cour, éclairée par une pauvre ampoule,
c'est un Colin détaché qui regarde les hommes, leurs ratages. Qui
leur sert la soupe. Ils passent, lui reste. Il fredonne sa petite
chanson en esquissant quelques pas de danse.
[1]
Georges Dandin par Hervé Pierre. In programme de salle
Georges Dandin, Théâtre du Vieux-Colombier,
Comédie-Française 2014-2015.
Photos © Sébastien
Mathe / ArtComArt
Comédie-Française,
Théâtre du
Vieux-Colombier, 30 décembre 2014
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