mercredi 18 février 2015

Jeanne d'Arc au bûcher : des voix, des regards, des larmes


Ce serait un mystère donné au parvis d'une cathédrale, chœur noir accusateur surmonté d'un chœur blanc de voix d'anges au tympan. Un échafaud pour scène en bord de fosse. Terrifiantes ténèbres. De la deuxième galerie surgissent le regard acéré et la voix nette de Christian Gonon – Il y eut une fille appelée Jeanne.

Sous la direction précise et enjouée de Kazuki Yamada, orchestre, voix chantées, voix parlées appellent, accusent, exhortent, boivent et mangent, racontent, commentent. Mélange intime de tragique et de grotesque, de populaire et de sacré, de cynisme et de légèreté, souligné par la délicate mise en espace de Côme de Bellescize.

Anne-Catherine Gillet, Marion Cotillard, Éric Génovèse




Marion Cotillard, simple robe blanche, pieds nus, sans fards ni apprêt, est une Jeanne enfantine, ingénue, émouvante souvent, scolaire parfois. Frère Dominique, fantôme descendu du ciel, lui lit le Livre de son histoire : Éric Génovèse, longue veste noire, est d'abord une présence, protectrice, un regard, bienveillant. Une diction parfaite, une projection idéale, une voix qui savoure le texte. Tous ces grands hommes qui t'ont condamnée, ces docteurs et ces savants...



Sans changer son costume de ville, Christian Gonon passe habilement du bestiaire au défilé des rois, des valets aux compères. Il fait l'âne, tente d'en jouer avec le parterre – un parterre en bonnets d'hommes, impassible. Deux mouchoirs deviennent marionnettes de Heurtebise et de la Mère aux Tonneaux. Et avec rien – il n'y a pas de carte, il fait tout dans une fascinante invention du jeu de cartes, battues, distribuées, coupées, de l'argent plein les poches.

Pourquoi la voix parlée de Donald Litaker n'est-elle pas sonorisée, comme celle de ses collègues comédiens ? Le contraste avec l'autorité de Christian Gonon est catastrophique pour le ténor, qui n'offre pas de surcroît de compensation chantée – Porcus est entaché de fort vibrato et d'intonation approximative. En revanche les voix du ciel de Faith Sherman (Catherine) et Simone Osborne (Marguerite), et la présence – avec cigare – de Steven Humes (un héraut, une voix) sont d'une belle homogénéité.

Avec des nuances subtiles, du plus noir au plus léger, le Chœur peint un décor tour à tour hostile, terrible, populaire ou recueilli. La Maîtrise, tout en discipline, justesse, et soin de la diction, y ajoute une émouvante touche d'innocence.

La voix cristalline, aérienne, presque irréelle d'Anne-Catherine Gillet, donne à l'apparition de la Vierge, bras ouverts au pilier près des enfants, une force bouleversante. La flûte de François Laurent, magnifique, exhale le dernier souffle.
La robe blanche est tachée de larmes.

Le Chœur du Capitole, Christian Gonon, Éric Génovèse, Kazuki Yamada, Faith Sherman, Simone Osborne, Anne-Catherine Gillet, Steven Humes, Côme de Bellescize

P.S. : il est regrettable que la qualité du programme de salle ne soit pas à la hauteur de celle du spectacle : fautes de frappe, phrases bancales, biographies obsolètes et metteur en scène oublié...

Photos  La Dépêche du Midi

Halle aux Grains, 14 février 2015

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