dimanche 8 février 2015

Les Contes d'Hoffmann : deux alliés, et des ratons-laveurs


Même haut-de-forme, regards entendus, gestes complices, diable(s) et muse sont objectivement alliés [1] : faire échouer les amours d'Hoffmann, tuer les instincts charnels, le vouer entièrement à la poésie et... à la boisson. Vous, flacons et tonneaux, secondez mon ouvrage. L'art serait-il diabolique ?

Judicieux éclairage de Bartlett Sher malencontreusement plombé de lourdeurs et d'incohérences. Les trois femmes, sauf une !, sont présentes au prologue, Stella – Antonia ne faisant qu'une seule diva. Chez Spalanzani c'est un grand cirque de filles de cabaret, de marins en goguette et ratons-laveurs de diverses espèces, tous adeptes de la revue l'œil en ombrelle. Olympia est triplée dans le tableau de la valse, seraient-ce les trois temps ? L'automate pratique d'ailleurs fort bien la danse, ce qui est étrangement inquiétant [2]. Antonia a un salon de musique avec arbres, et s'écroule morte à la seule vue du flacon vert du docteur Miracle que la muse agite sous son nez. À Venise c'est de nouveau un carnaval hétéroclite et surchargé, Pantalone, crinolines, filles en lingerie, danseurs de tango, cohorte d'Olympias et jambes en l'air. La représentation de Don Giovanni est presque totalement occultée, seuls un fond de scène en théâtre et quelques Mozarts emperruqués y font allusion – pour ceux qui savent.


Presque totalement dépouillé de ses tics de ténor et malgré quelques aigus poussés avec élan sur la pointe des pieds, Vittorio Grigolo compose un Hoffmann très homogène, sobre, presque distancié, spectateur de ses propres amours. Kate Lindsey investit beauté, présence, mimiques, regards et un magnifique mezzo dans une muse avec tout ce qu'il faut de garçon. Thomas Hampson entache ses diables d'un vibrato prononcé et de décalages avec la fosse, mais la stature et le cynisme sont là, particulièrement effrayants dans l'acte d'Antonia. Une mention à Tony Stevenson, qui allie comique et beau chant dans un remarquable Franz. L'Olympia d'Erin Morley fascine par son ambitus, sa note de fin stratosphérique, mais elle manque à la fois d'étrangeté et de comique ; en somme un robot bien trop humain. Hibla Gerzmava fait une Antonia bien chantante, mais sans grande émotion et totalement dépourvue de diction ; on ne croit pas une seconde à ses amours avec Vittorio Hoffmann.



Magie et comique du sous-titrage, Lindorf espère que dans une heure, ils seront à Quia. Sans doute un patelin voisin d'Eisenach.

[1] Gérard Fontaine – Reflets. In Les Contes d'Hoffmann, programme de salle de l'Opéra national de Paris, mai 2010
[2] Sigmund Freud – L'inquiétante étrangeté (1919). In Les Contes d'Hoffmann, programme de salle du théâtre du Capitole, juin 2008

Photos © Marty Sohl

Metropolitan Opera Live in HD, 31 janvier 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire