Même
haut-de-forme, regards entendus, gestes complices, diable(s) et muse
sont objectivement alliés [1] : faire échouer les amours
d'Hoffmann, tuer les instincts charnels, le vouer entièrement à la
poésie et... à la boisson. Vous, flacons et tonneaux, secondez
mon ouvrage. L'art serait-il diabolique ?
Judicieux
éclairage de Bartlett Sher malencontreusement plombé de lourdeurs
et d'incohérences. Les trois femmes, sauf une !, sont présentes au
prologue, Stella – Antonia ne faisant qu'une seule diva. Chez
Spalanzani c'est un grand cirque de filles de cabaret, de marins en
goguette et ratons-laveurs de diverses espèces, tous adeptes de la
revue l'œil en ombrelle. Olympia est triplée dans le tableau de la
valse, seraient-ce les trois temps ? L'automate pratique d'ailleurs
fort bien la danse, ce qui est étrangement inquiétant [2]. Antonia
a un salon de musique avec arbres, et s'écroule morte à la
seule vue du flacon vert du docteur Miracle que la muse agite sous
son nez. À Venise c'est de
nouveau un carnaval hétéroclite et surchargé, Pantalone,
crinolines, filles en lingerie, danseurs de tango, cohorte d'Olympias
et jambes en l'air. La représentation de Don Giovanni est
presque totalement occultée, seuls un fond de scène en théâtre et
quelques Mozarts emperruqués y font allusion – pour ceux qui
savent.
Presque
totalement dépouillé de ses tics de ténor et malgré quelques
aigus poussés avec élan sur la pointe des pieds, Vittorio Grigolo
compose un Hoffmann très homogène, sobre, presque distancié,
spectateur de ses propres amours. Kate Lindsey investit beauté,
présence, mimiques, regards et un magnifique mezzo dans une muse
avec tout ce qu'il faut de garçon. Thomas Hampson entache ses
diables d'un vibrato prononcé et de décalages avec la fosse, mais
la stature et le cynisme sont là, particulièrement effrayants dans
l'acte d'Antonia. Une mention à Tony Stevenson, qui allie comique et
beau chant dans un remarquable Franz. L'Olympia d'Erin Morley fascine
par son ambitus, sa note de fin stratosphérique, mais elle manque à
la fois d'étrangeté et de comique ; en somme un robot bien
trop humain. Hibla Gerzmava fait une Antonia bien chantante, mais
sans grande émotion et totalement dépourvue de diction ; on ne
croit pas une seconde à ses amours avec Vittorio Hoffmann.
Magie
et comique du sous-titrage, Lindorf espère que dans une heure, ils
seront à Quia. Sans doute un patelin voisin d'Eisenach.
[1]
Gérard Fontaine – Reflets. In Les Contes d'Hoffmann,
programme de salle de l'Opéra national de Paris, mai 2010
[2]
Sigmund Freud – L'inquiétante étrangeté (1919). In Les
Contes d'Hoffmann, programme de salle du théâtre du Capitole,
juin 2008
Photos © Marty Sohl
Metropolitan
Opera Live in HD, 31 janvier 2015
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