Laurent Pelly aime
les défis des pièces impossibles, des monstres. Des
apparitions, disparitions, transformations, de la magie, de
l'irrationnel, des lieux sans unité, des objets inanimés qui ont
une âme. Immense marionnette de bunraku manipulée depuis les
coulisses par des hommes en noir, le décor en trois vagues soulève
un coin ou l'autre de son voile, fait surgir les statues, danser les
filles-pommes comme à Broadway, encadre et décadre le roi, bâtit
deux palais avec deux fenêtres, et sert parfois de toboggan. D'un
ballet de nuages émerge l'oiseau perché. Seule entorse au parti
pris non-figuratif : la silhouette d'une ville, qui n'est pas sans
rappeler les petites maisons de Manon, apparaît brièvement,
on peut se demander pourquoi.
La reine Tartagliona,
fille naturelle de Cruella et du Grand Inquisiteur (emprunt à Luc
Bondy ?), est défigurée, caricaturée à outrance par une Marilú
Marini qui en fait des tonnes : grimaces, éructations, emphase
tournent à la démonstration de foire, au détriment du texte qui en
devient difficilement compréhensible. Le roi Tartaglia d'Emmanuel
Daumas est bien le fils de sa mère, qui, passant de cadre en cadre,
pousse un peu trop le pseudo-comique et le ridicule hurlant en voix
de fausset.
Et on ne reste pas de
marbre devant l'auto-dérision du metteur en scène : statufiés,
Renzo et Truffaldino vont en coulisse boire un verre l'air dégagé,
plantant là leurs effigies ; et Calmon, qui a terminé sa journée
de statue, s'en va de même, son homme de pierre sous le bras, pour
un souper ou pour se faire refaire le nez.
[1] Françoise
Decroisette. Préface à l'Oiseau vert, Carlo Gozzi. Ellug,
Collection Paroles d'ailleurs, Grenoble 2012
Photos
© Polo Garat Odessa
TNT
Toulouse, 19 mars 2015
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