La
reprise de la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle place des
costumes du XVIIIe siècle dans les colonnes fissurées de
la Rome antique. Polysémie du classique.
Opéra des conflits internes. Titus tiraillé entre amour et raison d'état
; Vitellia entre amour et ambition ; Sesto entre amour et amour.
Pâle,
les yeux cernés, hanté par ses contradictions, Guiseppe Filianoti a
mangé le lion auquel était destiné Sesto : son incarnation forte
est loin de l'insipide Faust toulousain de 2009. Las ! son jeu lui
vole sa voix : aigus en limite de justesse et vocalises poussives en
font un Tito en grande difficulté.
Opéra
de l'ambiguïté des genres : charme, mystère, et fascination de
l'androgyne [1]. La
beauté plastique et vocale de Kate Lindsey (Annio) et d'Elina
Garanča
(Sesto) – brûlante Carmen sur la même scène en 2010 – leur
interdit de passer pour des garçons. La furtive caresse sur les
joues que leur fait Guiseppe Filianoti, d'une infinie douceur,
est-elle celle d'un homme à ses partenaires féminines, ou celle
d'un Tito équivoque à ses compagnons ?
Avec
un Parto parto...
d'anthologie puis un Deh, per questo istante solo
poignant,
ce Sesto irrésistible, d'une féminité inouïe dans sa loque de
condamné, ferait rendre les armes à tous les Tito du monde. Cléments ou
non.
Photos © Ken Howard
[1]
Michel Lehmann – L'identité vocale ou « c'est la voix du
bien-aimé », Un thé à l'opéra, théâtre du Capitole,
mars 2012
Metropolitan Opera, Live in HD, 1er décembre 2012
Metropolitan Opera, Live in HD, 1er décembre 2012
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