Ce
Bal est une collection de concepts à la sémantique obscure.
Pourquoi Icare au rideau de scène, au plafond ? Pourquoi le page
Oscar en Icare – à moins que ce ne soit l'inverse – ridiculement
ailé ? Le
metteur en scène (David Alden), mâchoires serrées, ne l'explique
pas à l'entracte : il y a Icare, point.
Il
y a ces chaises, ces bureaux. L'omniprésence du fauteuil royal en cuir. Ces marins en cirés, équipés de parapluies (pour se protéger
des chutes éventuelles d'Icare ?) La diseuse de bonne aventure
sortant de son sac à main flasque d'eau de vie, crâne d'Hamlet et
raton-laveur. Le gibet et son rail de chemin de fer rouillé érigé
à cour en guise de potence et ses trous au sol dont les couvercles
déplacés indiquent que les vampires sont au bal, laissant juste
dépasser les trois feuilles rabougries de la plante magique. Cet
amour déclaré symbolisé par l'ouverture sur une perspective de
toits et poteaux télégraphiques entre chien et loup. Le bal,
inquiétant, anges noirs, masques de mort, où Oscar agite vainement
ses ailes sans empêcher le roi d'être tué d'un coup de couteau à
beurre gigantesque.
Seul
l'acte III est réussi. Origami noir et blanc à peine déplié,
l'espace étouffant aux arêtes vives est la chambre d'amour et de
tortures où, sous les yeux du roi en portrait, les pulsions de sexe
et de mort s'entremêlent. Le sadisme des maris jaloux n'a pas de
limites : comme un autre Albert, Renato force la main de sa femme à
tirer au sort le nom du meurtrier de l'amant. Dans une urne sortie
comme par magie du trou du souffleur. L'acte III aurait pu être
parfaitement réussi.
Marcello
Alvarez (le roi, Riccardo) est en grande forme vocale, et affirme sa
présence scénique, même lorsqu'il s'agit de danser comme un boy de
revue, avec canne et gibus, sur la musique d'opérette antiverdienne
de l'acte I. En revanche, il meurt mal – effet des agonies
interminables des ténors et de la botte au couteau à beurre. Sondra
Radvanovsky (Amelia) est mal habillée, coiffée, maquillée, on la
dirait travestie en travesti. C'est certes un bal masqué. Stephanie
Blythe en impose en Ulrica avec des graves aussi profonds que son sac
à main. Kathleen Kim bat des ailes en Oscar-Icare et distille son
soprano aérien malgré moustache et bouc très postiches. Et c'est
le jeu animal de Dmitri Hvorostovsky (Renato) qui concentre tous les
regards, son arrogance imbuvable, son baryton insolent.
Il
reste le mystère de ce thème musical du pardon du roi à
l'ouverture et à l'acte III, qui ressemble étrangement à la prière
de Rienzi. Verdi (1859) aurait-il plagié Wagner (1842) ?
Photos
© Ken Howard
Metropolitan
Opera, Live in HD, 8 décembre 2012
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