Rouges
les poutres et les bouffons obscènes du château de Whitehall. Rouge
l'improbable mariage du pantalon et du vertugadin dans la forêt de
Fotheringay. Rouge la robe de mort. La seule provocation visuelle de
David Mc Vicar, que l'on connaît plus fou, surtout quand il traite
avec le diable.
© Joyce DiDonato |
Les
reines se battent en duel à mots non mouchetés. Dans cette forêt
lugubre de troncs calcinés, barreaux de prison sur une toile peinte
de gris et noirs, la confrontation – pure fiction née de
l'imagination de Friedrich Schiller – est battements, fouettés et
bottes, vérités assassines : Figlia impura di Bolena, Figlia bastarda lance Marie Stuart à Elisabeth dans une scène sous
très haute tension. Mais l'une a le pouvoir que l'autre n'a pas. Des
années et intrigues plus tard, Elisabeth signera la condamnation à
mort de sa rivale.
© Sarah Krulwich |
Mais
l'autre ennemi, qui n'épargne pas même les puissants, est le temps
qui passe. Déchéance du corps, alopécie que masquent difficilement
perruques et fards exagérés, robes et bijoux : Elisabeth ne veut
pas se voir si laide en ce miroir. Loin de là, Marie reste belle en
ses noirs oripeaux, secouée de tremblements séniles.
La
jeune Elza van den Heever, stature de Walkyrie, a la voix parfois
désagréable, stridente dans les aigus. Mais sa composition
d'Elisabeth, très inspirée de celle de Bette Davis (The Private Lives of Elizabeth and Essex, 1939) est celle d'une véritable
actrice : la féminité ne peut exister devant les responsabilités.
Elza van den Heever a même poussé la perfection jusqu'à se raser
le crâne pour éviter les marques de bonnet sous les perruques
posées haut sur le front.
Les
hommes sont écrasés par les reines. Matthew Polenzani, récent
Nemorino d'une extraordinaire Furtiva lagrima, est là en
retrait, comme emprunté dans ce rôle trouble de Robert Dudley, qui
fait semblant d'aimer une reine et l'autre – encore un fruit de
l'imagination de Schiller.
© Ken Howard
|
L'émotion
est portée par l'interprétation subtile de Joyce DiDonato, en Marie
idéalisée.
Sa
poignante confession à Talbot dans cette cellule aux murs couverts
des casket letters en graffitis, préfigure la scène
de folie de Lucia, les fantômes hantent les intrigues
chiffrées autant que les amours trahies.
Bouleversante est la prière finale qui émerge du chœur, et cette note pianissmo, presque
inaudible, tenue à en perdre haleine, qui forcit et éclot comme une
dernière explosion de vie. Marie se défait de ses vêtements
terrestres, et c'est en robe rouge de martyre et le crâne presque
chauve qu'elle monte à l'échafaud, où l'attend,
dans le brouillard, un géant armé d'une hache démesurée.
© Sarah Krulwich |
Metropolitan Opera Live in HD, 19 janvier 2013
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