La
rampe de projecteurs s'élève vers le cintre, rideau de lumière
blafarde sur le plateau nu où errent des silhouettes en costumes
noirs. Mathieu Hornain éclaire d'inquiétude et de noirceur la
fourberie de la nature humaine. Jeux de déguisements et de mensonges
dans un espace théâtral qui lui ne se cache pas : valet sur la
scène, amant dans les coulisses, on change de masque même
quand la coulisse devient apparente.
La
pièce est donnée sans les divertissements des actes I et III,
économie de moyens peut-être, unité de noirceur certainement. On
fume pour se donner une contenance, on se parle sans se regarder,
souvent l'un à cour l'autre à jardin ; seul les désirs ambigus,
vénaux, violents, rapprochent les corps. L'argent est déguisé en
amour, chez les maîtres comme chez les valets.
Silvia
fut le premier Chevalier. Sylvie Maury est celui d'aujourd'hui, assez
joli cavalier,
costume
trois pièces, mains dans les poches, grosse voix – qui parfois
oublie d'être grosse. Le texte est hélas dit trop rapidement, au
risque d'en gommer les nuances – l'homosexualité latente, cette
solidarité féminine à double visage – et de devenir
inintelligible par moments. Laurent Perez est un Lélio détaché, un
fourbe qui semble ne croire en rien sauf peut-être à lui-même et à
sa cigarette. La Comtesse de Cécile Carles, pantalon noir, stilettos
rouges et bustier beaucoup trop décolleté, affiche une vulgarité
aussi détestable que sa manipulation des êtres.
Les grands
vainqueurs du jeu sont les valets, le Trivelin manipulateur d'Olivier
Jeannelle, génial dans son interprétation des anciens et des modernes
et dans sa narration du commerce entre le Chevalier et la Comtesse
(avec toutefois quelques exagérations gestuelles ici ou là). Denis
Rey est d'abord un Frontin inquiétant, en grand pardessus, chapeau
et lunettes d'espion, puis un magnifique Arlequin, bouffon émouvant,
pauvre garçon mal dégrossi, toujours prompt à baisser ses
bretelles pour obtenir un échantillon. Il réussit même à
jouer l'impossible didascalie : d'une main il prend l'argent, et
de l'autre il embrasse le Chevalier.
Accessoires
incongrus dans la nudité de l'espace que seules sculptent les
lumières, les épées vont mal avec les habits d'aujourd'hui. Des
armes de carnaval qui sonnent faux dans la noirceur.
Photos
© Djeyo – Le Clou dans la planche
Théâtre
Jules-Julien, 21 février 2013
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