jeudi 9 mai 2013

Giulio Cesare : Vicar et Cléopâtre



''Entertainment is not a dirty word'' dit le metteur en scène David McVicar. Si ses propositions pour Anna Bolena et Maria Stuarda étaient fort sages, on retrouve pour ce Giulio Cesare son impertinence pertinente, dans un subtil mariage des contraires : folies chorégraphiques – brillante inventivité d'Andrew George –, humour noir, anachronismes réjouissants, émotion sobre.

L'horizon est une mer en toc de machinerie baroque, avec rouleaux qui roulent et maquettes qui passent (voiliers, frégates, dirigeables, Titanic). Des serviteurs en fez donnent au ralenti un ballet de balais et les ennemis s'affrontent au jōdō. L'urne funéraire de Pompée sert de porte-ombrelle puis de cendrier à une Cléopâtre en grand deuil fendu haut sur la cuisse.


En Cléopâtre tour à tour femme fatale, clown, blessée, déterminée, Natalie Dessay réussit ''a tour de force performance'', alliant chant et danse, vocalises et Bollywood, ornements et matelote. Même si un léger voile vient parfois s'y poser, la voix n'est plus ce fil si fragile d'une Violetta aux abois. L'actrice est irrésistible, surtout lorsqu'elle singe les mimiques de César en plein aria da capo et tente de le pousser dehors.








Le César de David Daniels vient, voit et sort vaincu par les vocalises, comme à bout de
souffle. Il donne cependant un excellent Va tacito e nascosto dans un ensemble chorégraphique mêlant danse baroque et country dance. Se in fiorito ameno prato est partagé avec le violon espiègle de David Chan, sur scène avec fez et lunettes, délicieuse bataille d'ornements.








La proximité des voix de Patricia Bardon (Cornelia) et de Alice Coote (Sextus) fait du duo mère-fils un bloc tragique indissociable, l'adolescent effrayé par le sang devenant malgré lui le bras vengeur de la femme digne et déterminée face à l'horreur et au désir de l'Achillas animal de Guido Loconsolo. Son nata a consolar est un magnifique unisson d'une détresse fusionnelle.



Rachid Ben Abdeslam compose, scéniquement et vocalement, un Nirenus efféminé, précieux, d'un comique soigneusement dosé.

Mais l'empereur de l'opéra est incontestablement Christophe Dumaux, méconnaissable en perruque et moustache, Ptolémée ambigu et excentrique, lascif et violent, impressionnant dans les acrobaties tant vocales que physiques.






Les morts, hilares, reviennent, pour chanter la morale,
À l'aise dans leur sang – malaise des vivants !
Réclamant du champagne, et trinquant au finale.

Metropolitan Opera Live in HD, 27 avril 2013

Photos © Marty Sohl - Metropolitan Opera 

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