mardi 6 mai 2014

La Bohème : Mimi ! Mimi !


À New-York comme à Paris, Paris sera toujours Paris, avec sa mansarde, son café Momus, sa neige sous laquelle les dames n'ont jamais froid, ni aux pieds, ni ailleurs. Un peu de poussière mélangée aux flocons. Il est cependant des poussières plus fraîches que d'autres.
Centième représentation dans la mise en scène de Jonathan Miller à Bastille : certes il y a la fille de joie, la vespasienne, les réclames pour Byrrh et Dubonnet ; mais aussi la confusion des foules et des enfants, bizarrement à la fois dans et devant le café ; les quatre jeunes amis qui oublient de danser fandango et quadrille ; et Rodolfo qui est là, à côté du divan où Mimi se meurt, détournant soigneusement et artificiellement la tête. Trente et un ans après la première, la mise en scène de Franco Zeffirelli reste du Zeffirelli, avec ses foules opulentes bien ordonnées, un cheval, mais aussi des silhouettes de cinéma en noir et blanc, une bataille épique sur les toits ; et Rodolfo range, ferme les rideaux, s'active, et logiquement ne regarde pas le divan.

Paris - Franco Zeffirelli

Pourquoi cette émotion extraordinaire via l'écran depuis New York, et cet œil qui reste désespérément sec dans la salle à Paris ? Les Musetta (Susanna Phillips / Brigitta Kele) sont pétillantes, les Marcello excellents (Massimo Cavalletti / Ludovic Tézier), les Colline font de beaux adieux à leur vieux manteau (Oren Gradus / Ante Jerkunica). Mais Bohème, c'est le couple Rodolfo – Mimi.




Quelques heures après sa première Butterfly en soirée et seulement deux de sommeil, Kristine Opolais entre sur le plateau au pied levé. La démarche fatiguée, les yeux cernés, elle chante avec une fébrilité perceptible et quelques accents de Cio-Cio san, un peu ailleurs, comme se demandant ce qui lui arrive dans cette mise en scène qu'elle n'a jamais pratiquée. Elle a exactement le masque du rôle, immensément crédible. Avec Vittorio Grigolo, qu'elle n'avait jamais rencontré auparavant, qui certainement l'aide, subtilement, dans ses mouvements, l'alchimie est immédiate.
Il tombe amoureux de cette jeune femme fragile et en oublie même ses tics de ténor latin.
Les mots parlés Che vuoi dire quell'andare e venire, quel guardarmi cosi... et la double exclamation Mimi ! Mimi ! sont irrésistibles. On pleure.











Madame Gheorghiu, elle, ne remplace pas ses collègues . N'apparaît pas dans les productions qui n'ont pas été faites pour elle. Puccini aurait-il donc composé sa Bohème pour Angela ? À Paris, elle conduit le bal. Une petite brodeuse cette aguicheuse qui minaude ? On a peine à y croire.
Alors fermons les yeux, et admirons cette ligne de chant, ces phrases longues, ce souffle
incroyable, ces piani subtils.
On soupçonne cependant Daniel Oren de baisser le volume de l'orchestre pour que madame passe la rampe. D'ailleurs Piotr Beczala, qui n'est pas le premier ténor venu, est lui presque systématiquement couvert.
Au point que l'on n'entend pas le Mimi ! Mimi !  final.



Et ce n'est pas qu'à cause des mouchages intempestifs de la cravate de devant, invitée par quelque chasseur d'affaires.



Photos MET © Marty Sohl / Cory Weaver
Photos Opéra de Paris © Site FB Angela Gheorghiu

Metropolitan Opera Live in HD, 5 avril 2014
Opéra Bastille, 7 avril 2014

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