dimanche 19 février 2012

Il Trovatore, come la luna


Il y a les bleus  et les rouges, pour bien distinguer, comme dans les jeux de guerre, les bons des méchants. Sauf que - rien n'est simple - les bleus sont les partisants du (méchant) Conte di Luna et les rouges du (bon) Manrico. Tous affublés de casques, bleus ou rouges donc, ridicules. Il y a ces spalières qui engoncent l'épaule droite et ces gantelets qui raidissent les gestes. Il y a ces marteaux qui frappent (scansion décalée à cour !) des absences d'enclumes. Ce jeu de dés que personne ne voit. Ce ballet saugrenu de trois spadassins devant l'escouade bleue immobile. Cette dissimulation étriquée dans la coulisse.

Et la lune. Rien, mais la lune. La didascalie essentielle du livret. Sur des soies japonisantes, qui se déploient (ou refusent de se déployer) en fond de scène. Comme une impression de Butterfly. Il Trovatore en théâtre nô, soies, distance et immobilité. Le bûcher est froid.

La froideur a-t-elle déteint sur les deux frères rivaux de la première distribution ? Aucun jeu, aucune émotion, et un ténor emprunté dans son ennui bâclant ses cantabile en limite de justesse. Manrico ne se réduit pas à Di quella pira et à son contre-ut apocryphe !

En revanche, la seconde distribution dite « Jeunes talents » fait fi des costumes, physiques et mise en scène, et distille beau chant et émotion palpable. L'Addio Leonora du jeune ténor coréen tire des larmes.

Mais le véritable acteur - le carcan de la mise en scène n'atteint pas la fosse, est Daniel Oren, l'homme noir du bunraku qui dessine la ligne de chant et guide ses chanteurs du bout des doigts. Fascinant.

(Crédit photo : Patrice Nin)


Théâtre du Capitole de Toulouse, 3 et 11 février 2012



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