dimanche 23 décembre 2012

Un Ballo in Maschera : obscur Icare


Ce Bal est une collection de concepts à la sémantique obscure. Pourquoi Icare au rideau de scène, au plafond ? Pourquoi le page Oscar en Icare – à moins que ce ne soit l'inverse – ridiculement ailé ? Le metteur en scène (David Alden), mâchoires serrées, ne l'explique pas à l'entracte : il y a Icare, point.

Il y a ces chaises, ces bureaux. L'omniprésence du fauteuil royal en cuir. Ces marins en cirés, équipés de parapluies (pour se protéger des chutes éventuelles d'Icare ?) La diseuse de bonne aventure sortant de son sac à main flasque d'eau de vie, crâne d'Hamlet et raton-laveur. Le gibet et son rail de chemin de fer rouillé érigé à cour en guise de potence et ses trous au sol dont les couvercles déplacés indiquent que les vampires sont au bal, laissant juste dépasser les trois feuilles rabougries de la plante magique. Cet amour déclaré symbolisé par l'ouverture sur une perspective de toits et poteaux télégraphiques entre chien et loup. Le bal, inquiétant, anges noirs, masques de mort, où Oscar agite vainement ses ailes sans empêcher le roi d'être tué d'un coup de couteau à beurre gigantesque.





Seul l'acte III est réussi. Origami noir et blanc à peine déplié, l'espace étouffant aux arêtes vives est la chambre d'amour et de tortures où, sous les yeux du roi en portrait, les pulsions de sexe et de mort s'entremêlent. Le sadisme des maris jaloux n'a pas de limites : comme un autre Albert, Renato force la main de sa femme à tirer au sort le nom du meurtrier de l'amant. Dans une urne sortie comme par magie du trou du souffleur. L'acte III aurait pu être parfaitement réussi.




Marcello Alvarez (le roi, Riccardo) est en grande forme vocale, et affirme sa présence scénique, même lorsqu'il s'agit de danser comme un boy de revue, avec canne et gibus, sur la musique d'opérette antiverdienne de l'acte I. En revanche, il meurt mal – effet des agonies interminables des ténors et de la botte au couteau à beurre. Sondra Radvanovsky (Amelia) est mal habillée, coiffée, maquillée, on la dirait travestie en travesti. C'est certes un bal masqué. Stephanie Blythe en impose en Ulrica avec des graves aussi profonds que son sac à main. Kathleen Kim bat des ailes en Oscar-Icare et distille son soprano aérien malgré moustache et bouc très postiches. Et c'est le jeu animal de Dmitri Hvorostovsky (Renato) qui concentre tous les regards, son arrogance imbuvable, son baryton insolent.

Il reste le mystère de ce thème musical du pardon du roi à l'ouverture et à l'acte III, qui ressemble étrangement à la prière de Rienzi. Verdi (1859) aurait-il plagié Wagner (1842) ?


Photos © Ken Howard

Metropolitan Opera, Live in HD, 8 décembre 2012

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