Manon
est une autre traviata : la
mauvaise pente de l'argent et des plaisirs frivoles plutôt que
l'élévation de l'amour véritable.
C'est
par un escalier rejoignant les hauteurs de la ville que les amoureux
fuient, abandonnant leurs valises remplies d'une vie déjà trop
tracée. Par un escalier aussi qu'ils accèdent à leur petite
mansarde avec petit lit et petite table.
Mais
c'est sur des plans inclinés que parade la reine du Cours-la-Reine
et que tiennent en équilibre précaire les tables de jeu de l'Hôtel
de Transylvanie, tripot en sous-sol éclairé par des néons
blafards.

La
direction d'acteurs est magnifique de précision et de justesse, et
les dialogues parlés sont parfaitement joués, fait plutôt rare à
l'opéra.

La très belle Anna Netrebko, voix chaude et diction française travaillée, passe allègrement de l'adolescente délurée à la femme entretenue, sensuelle, déchue, mourante. Piotr Beczala, son des Grieux aux yeux bleus, a la voix solaire des très grands et des pianissimi superlatifs. La succession du poignant Adieu, notre petite table et de l'utopique En fermant les yeux, je vois... (!) est un sommet d'émotion qui gomme toute l'indigence du livret. L'alchimie du couple est palpable et culmine dans la scène de Saint-Sulpice, scandaleuse d'érotisme dans ce lieu saint où piliers, sacristie et petit lit de prêtre – le lit d'amour de la mansarde ! - sont tout de guingois.
Une
mention particulière au Guillot de Morfontaine de Christophe
Mortagne, remarquable chanteur et acteur à la déclamation parfaite.
On
pourra regretter l'épisode du ballet, quelque peu désuet et
s'achevant dans une sorte de débauche lubrique pâlement inspirée
du ballet décadent proposé par David Mc Vicar pour le Faust
de Gounod.
De
même l'effet visuel des petites maisons donne une perspective très
réussie, mais aussitôt réduite à néant dès que les personnages
- dont toute la magie scénographique ne parvient pas encore à
réduire la taille ! - passent à proximité.
Mais
on gardera l'image de la mort de Manon dans les bras de son
chevalier, ultime syllabe chantée dans un souffle sur un quai du
Havre à la perspective infinie, le bout de la pente, éclairé par
des lampadaires lugubres : « Et c'est là l'histoire de Manon
Lescaut. »
(Crédit photos : Ken Howard - Metropolitan Opera)
Metropolitan Opera, Live in HD, 7 avril 2012
La critique du Monde
Metropolitan Opera, Live in HD, 7 avril 2012
La critique du Monde
Il est vrai que rien n'est plus suggestif qu'un lit à barreaux et que le rideau tombait à point pour éviter une interdiction aux moins de 16 ans... Manon reste Manon
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