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© Charles Duprat |
La Polka est
un bar underground cuir, tatouages et lunettes noires, machines à
sous et mines patibulaires. Des durs à cuire, mais des enfants
mélancoliques prêts à pleurer quand leur « maman »
leur raconte des histoires. Le sinistre crochet de levage est déjà
là, le shérif a une belle gueule et croit que les sentiments
s'achètent à coups de dollars.
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© Victor Tonelli |
Murmures dans la
salle pour la caravane capitonnée rose Barbie de Minnie, avec
télévision, vierge fluo, nounours et chien en peluche sur le lit,
et bambis dans la neige du jardin. La peau d'ours est une couette et
une trappe dans le toit fait office de grenier, accessible par un
escalier pliant quelque peu récalcitrant.
Applaudissements dans
la salle pour la casse de voitures, d'où sortent les hommes en noir
comme des zombies de leur tombe. Le crochet de levage se balance,
lugubre.
Ninna Stemme est une fanciulla un peu mûre mais elle domine ses hommes d'une
autorité vocale incontestable, d'où ressortent parfois quelques
accents de Brünnhilde. Le Jack Rance de Claudio Sgura, voix et cœur
noirs, est un autre Scarpia, séduisant, manipulateur, ignoble. La
partie de poker, où Puccini contraint son inspiration
naturellement lyrique à retenir son élan au profit d'une scrutation
des mots qui trahissent, de questions appelant réponse, et de
silences révélateurs [1], devient un combat haletant. Marco
Berti est plus impliqué et moins tonitruant que dans son Manrico
toulousain, mais le jeu reste distant et parfois emprunté. Chœurs
masculins et comprimari excellents, bien que cuirs et lunettes
ne permettent pas de distinguer qui est qui. Noir c'est noir.
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© Charles Duprat |
Pour une fois que
l'émotion n'est pas suscitée par la mort pourquoi m'en serais-je
privé ? [2]. Puccini a voulu un dénouement kitsch – ὣσπερ
ἀπο μηχανης
[3] – avec l'apparition improbable de Minnie surgissant de
nulle part et sauvant son Dick de la corde. Alors la scénographie
est kitsch. La casse s'ouvre pour découvrir des marches de music
hall, Minnie passe de meneuse d'hommes à meneuse de revue,
Dick-Tarzan la rejoint suspendu à son crochet, le lion de la MGM
rugit, les billets verts pleuvent, et le couple est projeté sur le
seuil de la Maison Blanche. America forever.
[1] Sylvain Fort –
Puccini. Actes Sud / Classica 2010
[2] Bernard Chambaz –
Caro Carissimo Puccini. L'un et l'autre, Gallimard 2012
[3] comme de la
machine (Démostène)
En
direct de l'Opéra Bastille, 10 février 2014
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