D'où
vient que l'on sort de cette première avec un arrière-goût de
déception, une sensation que ce Falstaff n'était pas un
grand Falstaff ? Certes on a ri, mais on n'a pas été
ému.
La
scénographie d'abord, qui en dix-huit ans a pris un peu la
poussière. Les panneaux coulissent en fond de scène, du garage à
la laverie de Mrs Quickly, des murs de ce port de la Tamise au sombre
chêne du Chasseur noir, ni sombre, ni chêne, simplement projeté
sur la brique. Quelques figurants figurent et les nécessaires
accessoires sont là, bien que relégués dans des coins, paravent
très à cour, panier très au lointain. Il ne reste de la mise en
scène que quelques gestes esquissés ou bien les gros effets de gros
ventre. Point de façons dans les Après vous… Je vous en prie
entre Falstaff et « Fontana », point de révérences aux
Reverenza de Mrs Quickly, point de mystère sous le chêne
qu'il n'y a pas.
C'est
donc la musique de Verdi, dont Fabio Luisi cisèle les moindres
détails, qui fait le spectacle, ainsi qu'une partie du plateau
vocal.
Bryn
Terfel semble étrangement à côté de son vecchio John,
affublé d'une panse trop grosse, jouant sans grande conviction le
comique plutôt que le sensible, comme désabusé, fatigué. Si la
voix du grand Terfel est bien là, elle est à plusieurs reprises
couverte par l'orchestre. L'artiste se mettra également en retrait
aux saluts. Franco Vassalo campe en revanche un très beau Ford, qui
laisse présager le meilleur pour son futur Scarpia. Varduhi
Abrahamyan est très loin de Mrs Quickly, sans graves ni truculence.
Aux côtés de la belle Meg de Julie Pasturaud, Aleksandra Kurzak
manie son monde avec entrain et voix fruitée, malheureusement elle
aussi couverte par l'orchestre ici ou là. Francesco Demuro est un
peu pâle en amoureux transi. Excellents et très sonores Graham
Clark (Dottore Cajus) et Rodolphe Briand (Bardolfo), le Pistola de
Thomas Dear restant plus discret.
Mais un ange passe dans l'immense
salle lorsque chante l'exquise Nanetta de Julie Fuchs : le temps
s'arrête, suspendu à un aigu cristallin presque irréel de longueur
et de légèreté.
Opéra Bastille, 26 octobre 2017
Photos © Sébastien Mathé
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