On
pouvait craindre deux choses avec cette reprise de La Rondine
: que la production (2002) de Nicolas Joël ait pris la poussière et
que les interprètes soient écrasés par l'ombre d'illustres
prédécesseurs. Craintes balayées, cette hirondelle fait
l'automne et Puccini est sublimé.
C'est
le Figaro que ces messieurs lisent, dans ce salon où l'on
fume et où l'on disserte sur l'amour pour tromper l'ennui, sous le
regard des belles alanguies des panneaux muraux. Ces dames rivalisent
d'élégance et de beauté. On papote et on fait des vers ; mais
légèreté, paillettes et bijoux faciles masquent des regrets.
Ennuyeux, ce premier acte ? Pas un instant. Reprenant la mise en
scène, Stephen Barlow n'a laissé au hasard aucun geste, aucun
regard, aucune expression.
Chez
Bullier, buveurs et danseurs s'adonnent à la folie de ces années
dans un désordre de petits détails réglés au millimètre jusqu'au
lointain qu'on voit à peine. On a de la tendresse pour ce vieux
pochard en frac, à jardin, qui bat la mesure avec sa bouteille, et
ira en titubant tenter d'offrir une rose à la dernière cliente.
Et
à Nice, c'est une superbe verrière de treilles qui abrite les
amoureux. Le majordome en referme les battants : verrière, volière,
cage. Le passé rouvrira une porte et l'hirondelle s'envolera.
Magnifique,
naturelle, très expressive, Ekaterina Bakanova compose une Magda
idéale. Sa dernière note, celle de l'envol, dans le noir qui se
fait, est bouleversante. Son Ruggero n'atteint pas la même finesse
et le personnage est moins bien caractérisé, le côté provincial,
sans doute. Dmytro Popov chante bien et fort, mais sait se
discipliner pour nuancer son dernier acte.
La Lisette d'Elena
Galitskaya est irrésistible d'aigus et de drôlerie, comment donc se
fait-il que le théâtre de Nice l'ait huée ? Formidable Prunier de
Marius Brenciu, qui fait passer l'ambiguïté amoureuse de ce
manipulateur de soubrette tout en offrant de superbes passages en
voix de tête.
Le rôle est court, mais Gezim Myshketa propose un
Rambaldo à la ligne de chant immédiatement séduisante. Les trois
dames (Norma Nahoun, Aurélie Ligerot et Romie Estèves) sont
parfaites. Tous les petits rôles sont très bien tenus, en
particulier par les artistes du chœur. L'ensemble du chœur fait
merveille chez Bullier, chant, mouvements et jeu admirablement
réglés.
Et
on est emporté par cette musique immédiatement reconnaissable que
subliment Paolo Arrivabeni et l'Orchestre du Capitole. N'en déplaise
aux grincheux qui trouvent, à l'entracte, que « ce
n'est pas assez dramatique », c'est bien la musique et
le chant qui, ici, font chavirer.
Capitole, 19 novembre 2017
Photos © Patrice Nin
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